Notre premier voyage dans le cadre de ce site nous a menés en République tchèque et en Pologne. Des destinations qui ne semblent pas a priori parmi les plus accueillantes pour les végétariens, végétaliens et autres vegans, me direz-vous… Et pourtant, vous risquez d’être surpris ! Entre nouvelle mode et longue tradition, nous allons voir que ces pays pourraient bien devenir des destinations phares pour les gastronomes amis des animaux.
La République tchèque
De la culture du « tout-viande »…
Lors de notre premier voyage en République tchèque, il y a 7 ou 8 ans, nous n’étions pas encore végétariens, mais nous consommions déjà la viande avec modération. Nous avions gardé le souvenir d’une cuisine locale où celle-ci était omniprésente – jusque dans les plats annoncés comme « végétariens », mais en réalité parsemés de lardons, qui semblaient constituer le minimum syndical incontournable. Au bout de 2 semaines, nous avions frôlé l’overdose carnée, d’autant que le poisson se fait plutôt rare sur les menus des restaurants tchèques…
Bref, probablement l’un de nos pires souvenirs de voyages en ce qui concerne l’exploration culinaire ! C’était d’autant plus dommage que nous avions énormément apprécié ce pays… C’est pourquoi nous avons choisi de faire escale à Prague au cours de ce voyage à destination de la Pologne (à la découverte de la tradition locale du thermalisme, dont nous vous parlerons très bientôt).
A l’explosion de la mode du végétarisme !
Je pressentais que les tendances culinaires avaient dû évoluer, en lien avec l’explosion des courants vegan / healthy dans les pays anglo-saxons, dans ce pays désormais très ouvert sur l’Occident, et en particulier à Prague. Nous nous sommes donc mis en quête de restaurants végétariens, et très vite en avons découverts bien plus que je ne m’y étais attendue. En effet, d’après le site Végétar1.net, on dénombre pas moins de 53 restaurants de ce type à Prague, qui se classe ainsi au 7e rang des villes les plus « vegetarian friendly« ! Surtout, c’est leur variété qui nous a étonnés. Chaque endroit a su développer son identité propre et une carte originale – alors qu’à Paris on tourne vite en rond, avec une offre non seulement limitée, mais surtout très stéréotypée et rarement inventive… Encore mieux, ces restaurants savent s’adresser à tous, en proposant également des plats s’inspirant de la cuisine traditionnelle (tchèque ou autre), adaptés avec brio grâce à une utilisation très maîtrisée de « viandes » de substitution, comme notamment le tempeh (site en anglais).* Peut-être cette inventivité est-elle dû au fait que les équipes ne sont pas forcément à 100% végétariennes, mais s’attachent à prouver que l’on peut bien cuisiner, et même très bien, sans produit d’origine animale ?
Parallèlement, de nombreux restaurants récents, au design agréable et à la carte inventive, affichent une partie de leur carte en mode végétarien, voire même vegan. Les différents restaurateurs que j’ai interrogés sur le sujet m’ont confirmé qu’il s’agit d’une tendance très récente, émergée il y 2 ou 3 ans, mais qui a réellement explosé en 2015. Je redoutais que celle-ci soit avant tout une tactique pour s’attirer la nombreuse clientèle étrangère qui visite Prague, ce qu’ils ont unanimement démenti. Certes c’est une aubaine pour beaucoup de touristes (souvent bien en peine de manger selon leurs convictions en voyage), mais le végétarisme s’est bel et bien implanté dans la population tchèque. La preuve pour ces professionnels : leurs menus midis font carton plein auprès des travailleurs du quartier. Sans doute cette nouvelle préoccupation est à mettre au crédit de la politique de santé actuelle dans le pays, qui vise à redresser la barre suite à un rapport préoccupant de l’OCDE (juin 2014) quant à l’état de santé des tchèques…
*A noter à ce sujet, la société tchèque EUROBI produit depuis 1995 un produit végétal appelé « Robi meat » au goût, à la texture et aux qualités nutritionnelles très intéressants : autant de protéines que dans la viande (21 %) et seulement 125 calories aux 100 g… [Malheureusement, je n’en ai encore jamais trouvé dans les magasins bio parisiens… Si quelqu’un a une adresse, merci de la laisser en commentaire !]
Nos adresse préférées en République tchèque
Estrella, ouvert en 2012, est notre coup de cœur culinaire à Prague, malheureusement découvert le dernier soir… La photo de titre de cet article y a été prise.
Opatovická 159/17, 110 00 Praha, République tchèque – Ouvert tous les jours de 11h30 à 22h30
Maitrea (d’après le bouddha du même nom) offre une carte de mets et boissons très complète et originale, et surtout la possibilité de savourer la cuisine traditionnelle tchèque version vegan !
Týnská ulička 1064/6, 110 00 Praha 1, République tchèque (Cf. photo Instagram plus haut)
A noter aussi une seconde adresse, que nous n’avons eu le temps de tester : Lehká hlava (« Clear head »), Boršov 2/280, Praha 1 – Staré Město, République tchèque
Ouverts tous les jours de 11h30 (semaine)/12h (WE) à 23h30 – Formule midi soupe + plat du jour + eau vitalisée pour 115 CZK (env. 4,50 €)
Double B Coffee & Tea, qui fut un peu notre QG des petits déjeuners : Pu-Erh latte à tester absolument, wrap du jour et pâtisseries vegan, de quoi bien démarrer la journée !
Anglická 15, 120 00 Praha 2, République tchèque – Ouvert tous les jours de 7h30 (semaine)/10h (WE) à 21h. Page Facebook
Green Spirit, sur la rive du château et dans un quartier où les adresses végétariennes pullulent !
Hellichova 397/14, 118 00 Praha 1-Malá Strana, République tchèque – Ouvert tous les jours de 10h à 21h (12h le lundi)
Localis Restaurace & Café Sur notre route vers la Pologne, nous avons eu la chance de tomber sur ce tout nouveau restaurant locavore (Bohème), qui propose quelques plats végétariens. La preuve que la tendance gagne même les petites villes du pays !
Great Square 145/14, 500 03 Hradec Kralove, République tchèque – Ouvert tous les jours, de 8h (semaine)/ 11h30 (WE) à minuit (23h le dimanche)
Pologne
L’énigme du cas polonais
Notre précédent séjour en Pologne était beaucoup plus récent, puisqu’il remonte à l’hiver 2013/2014. Nous avions déjà arrêté la viande, mais étions encore « pescatariens », c’est-à-dire incluant les poissons et fruits de mer. (Eh oui, tous ceux qui le vivent savent qu’il s’agit d’un processus en plusieurs étapes de maturation !) Il nous avait paru relativement facile de nous nourrir en Pologne dans ces conditions. Il faut dire que nous avions essentiellement visité Varsovie et Cracovie, soit deux des villes les plus touristiques du pays…
Cette fois, notre voyage nous a fait traverser la Pologne de l’ouest, des Sudètes à Gdańsk, en passant par Wrocław et Toruń. Pourtant, nous n’avons pas manqué de remarquer des restaurants affichant fièrement « kuchnia wegetarianska » (ou « cuisine végétarienne » – même si c’est assez transparent pour du polonais, une fois n’est pas coutume !) dans la moindre petite ville. Sur les places touristiques ou au détour d’une rue lambda, décoration claire et moderne ou simple et traditionnelle, restauration type fast-food, classique ou encore café hype, il y en a vraiment pour tous les goûts et tous les publics. Cela a éveillé ma curiosité, j’ai donc creusé plus avant la question…
Une cuisine végétarienne à tendance solidaire : les héritiers des bars à lait
Pour faire court, il faut chercher l’origine de cette omniprésence des cantines végétariennes dans l’histoire de la Pologne. Et plus précisément, dans une institution, très courue des touristes aujourd’hui : celle des « bars à lait »(bar mleczny – prononcer « bar mlètchnè »). Si elle est avant tout considérée comme l’héritage de l’époque communiste, celle-ci est apparue en réalité à la toute fin du XIXe siècle. Ces restaurants à bas prix, créés au départ par un riche fermier désireux de promouvoir les produits laitiers, ont connu un succès immédiat et sont vite devenus incontournables à travers tout le pays. L’état soviétique a tout naturellement récupéré ce mouvement, pour en faire les cantines des travailleurs laissés pour compte – tous n’ayant pas la chance de bénéficier d’une cantine dans leur entreprise. Les menus, les prix, les rations et jusqu’au nombre de repas autorisés devinrent alors strictement encadrés. Devenus un symbole d’une politique sociale et solidaire empreinte aujourd’hui de nostalgie, les bars à lait ont réussi à survivre à la chute du communisme – malgré la perte des financements étatiques qui a diminué leur nombre de façon drastique.
Durant cette période de transition, si certains ont choisi de capitaliser sur le potentiel touristique des bars à lait comme témoins d’un passé idéalisé, un certain nombre d’entre-eux sont devenus tout naturellement des restaurants végétariens. Pourquoi tout naturellement ? Tout simplement parce que la viande, denrée rare et chère à l’époque soviétique, n’était quasiment pas présente dans leurs menus ! Aujourd’hui, l’offre traditionnelle s’est enrichie d’influences étrangères et les produits à base de soja, entre autres, ont permis de multiplier les possibilités tout en enrichissant l’apport protéique. Mais la notion de cantine solidaire est restée fondamentale, comme le prouvent les tarifs pratiqués. Au final ces bars à lait nouvelle génération accomplissent ainsi le paradoxe d’être considérés comme les gardiens de la cuisine traditionnelle polonaise (pierogi, soupes chaudes et froides, boulettes, riz au lait…) tout en satisfaisant aux exigences des végétariens, voire, de plus en plus, des vegans. Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, je vous conseille de lire cet excellent article de Zbigniew Truchlewski sur le site Nouvelle Europe. Et pour avoir une idée des menus et les adresses des bars à lait traditionnels de Varsovie, c’est ici !
L’alimentation, une préoccupation santé en Pologne
L’alimentation saine semble d’ailleurs représenter une préoccupation constante en Pologne. A titre d’exemple, nous avons été particulièrement surpris de trouver un peu partout des produits à base de graines de chia, aux côtés d’autres super-aliments, et ce jusqu’aux boulangeries de petites villes, qui proposent du pain au chia ! Comme j’aimerais que ces produits soient aussi populaires en France…
De plus, selon un sondage datant de 2013, une population croissante semble se convertir au végétarisme ou même au véganisme, en particulier chez les femmes et les jeunes. Cela se traduit au niveau économique par de nombreuses entreprises polonaises spécialisées dans les produits bio et végétariens, par exemple :
- la chaîne de fast-food vegan Green Way – Food for life, présente dans tout le pays, propose des repas à prix défiants toute concurrence, inspirés de la cuisine polonaise, mais aussi internationale (photo ci-dessus, prise dans celui de Wrocław)
- les produits Bio Planet
- le site de vente enligne Organic Farma Zdrowia
Un retour difficile au plan-plan culinaire parisien
Pour conclure, nous sommes revenus enchantés de ce petit tour en Europe centrale, et cette expérience culinaire en mode végétarien y était pour une bonne part. Quel bonheur de découvrir un tel enthousiasme et une telle variété au service d’une alimentation saine et responsable – et surtout à des prix si abordables ! De retour à Paris, j’ai cherché avec espoir de nouvelles adresses à tester, persuadée que notre ville ne pouvait être tellement en reste sur cette tendance… Mais à part 2 ou 3 lieux, plus ou moins originaux et relativement onéreux, rien de bien nouveau sous la grisaille ! Du coup, c’est toute seule dans ma cuisine que je prolonge en ce moment l’aventure – mais c’est une autre histoire !
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